mercredi 16 octobre 2013

Precision a nos lecteurs frustres du manque de photo


Desoles...

Bah oui bah oui, on sait... mais on est des cyclo "as been", on n'a pas d'ordinateur ou de telephone portable qui connecte et clic clic, on arrive pas a trouver des boites et de bonnes connexions sur la route pour telecharger ces monstres de dossiers photos... Et puis maintenant qu'on en a trouve une, toutes nos cartes photos sont bloquees, parce que la derniere fois qu'on les a mises sur un ordi, c'etait un Mac. Il a tout formate, donc Windows, qui est le monopole en Asie centrale, est incapable de reouvrir tout ca... Bravo, merci l'industrie informatique. Donc ben... ce sera plus tard. En France surement, Inchallah ! En attendant, on blinde de texte (au moins, ca c'est fait), a vous d'imaginer le reste...

Les retrospectives de Xavier (2)

16 octobre 2013

Ce visa chinois... nous regrettons tellement de ne pas l'avoir fait a Teheran... Mais les "lois et regulations" des ambassades changent tellement, d'un jour a l'autre ou selon les nationalites. Si seulement le consulat de Tashkent nous donnait 2 mois pour entrer le pays (1 mois via la Pamir, mission impossible!!), tout serait bien plus simple. Et si Rohloff avait envoye ce foutu bloc plus tot... Alors on decide a Tashkent de laisse tomber ce visa chinois, et de partir dans la Pamir. On esperait que la situation a Bishkek (Kyrghystan) se serait debloquee d'ici la... Mais apres avoir passe nos premiers 10.000kms dans la descente du plateau de la Pamir, et aux dires des rares cyclos que nous avons rencontre, nous savons que la situation a Bishkek est la meme, ou du moins selon les on-dit, il serait peut-etre possible si nous avions un visa kyrghyze de 6 mois, via Ms Liu, le contact agence a Bishkek qui degote un visa 1 mois uniquement... 
Une autre option? Retour a Tashkent, donc du coup repayer un visa ouzbek (75$ par personne) et les registrations (10$ tous les 3 jours en moyenne...), monter un dossier beton pour le consulat pour esperer avoir 3 mois de visa en sachant que nous sommes francais... et surtout en prenant soin de ne pas mentionnner le mot "velo".
Option No 3 : L'ambassade d'Almaty au Kazakstan, mais elle semble avoir fermee elle aussi ses portes aux touristes.
ET MERDE !
Option No 4 : Prendre un avion pour Teheran, repayer un visa iranien et faire vite fait bien fait un joli visa chinois avec 3 mois pour entrer et 3 mois dans le pays ? Quant bien meme apres tant de kilometres a la force de nos mollets. Ce serait tellement frustrant ! Le voyage, ses embuches administratives, nous a-do-rons. Et encore nous sommes francais et nous avons pu avoir tous nos visas jusqu'ici sans trop de difficultes.
Mais alors, option No 5 : quitte a prendre l'avion, autant aller directement en Inde ou en Asie du Sud-Est ! Quant bien meme (bis) ! Sauter entre 6 et 8.000kms alors que nous en avons fait 10.000, que nous avons vu les paysages et les cultures changer au fur et a mesure, ce serait comme commencer un autre voyage... et toujours avec cette frustration qui l'accompagne...
Bon. Dans l'absolu, pourquoi pas ? Mais pour 3 mois ? Est-ce que cela vaut bien le coup ?? Car nous avons cette date butoire de debut mars 2014, le contrat de Camille avec l'agence ADEUS sur Strasbourg...
Reflechissons donc a 2 fois. Pourquoi se presser, etre frustre, rajouter du budget avion, prendre des risques pour les velos, debarquer dans une culture tellement differente sans voir ni sentir la progression a laquelle on est habitue, tout ca pour se lamenter sur un visa loupe a Teheran... et payer cher pour un retour avion en France depuis l'asie du sud-est...

Nous apprenons a l'instant que la fameuse Ms Liu a repris du service... A notre plus grande surprise, le visa chinois a 140$ pour un mois (cher paye), et 1 mois d'extension apparemment possible ??...
Il faut y reflechir et decider vite...

La Pamir, " un peu plus pres des etoiles ! "

29 septembre, Tadjikistan.

Les fillettes en bord de route, une cerpette a la main. Un groupe d'ecoliers, le costume noir et la jupe ondulee, tentent le stop pour rentrer dejeuner. Un papy au beret gris, tire sa vache au champs d'un pas serein. Parfois, des casquettes kakis depassent d'un muret de pierre, surveillent la frontiere afghane, un ancien champs mine, ou organisent la sortie d'une voiture tombee dans le ravin. Etrange atmosphere cette interface, ou seule la riviere fait frontiere. Le climat montagnard, sec et simple, un niveau de vie qui s'amoindri et contraste tant avec le bling bling dushambesque aux lunettes noires et chaussures cirees. Des foyers qui se nourrissent de peu, mais de leur champs, des epiceries au choix mince et redontant. Desert industriel et artisanal, ce monde rural semble etre le fief des ONG et des placements financiers d'une aide internationale. Autriche, Suisse, Allemagne, UE, UK, USA...  Au hasard des discussions, au hammam, ou accueillis dans les maisons, nous le decouvrons : le Pamir.

Sous leurs airs vaporeux, l'oeil luisant et le sourire genereux, deux alcooliques - euh... deux acolytes - nous invitent chez eux. Le premier nous offre un champs pour passer la nuit face a la riviere qui fait frontiere, et le second... une toute autre partie. Sarvalcho, dit "Sacha". "Tchai ! Tchai !" - nous lance-t-il. "Tchai, Water, Milk ! Kouchit, kouchit". Deux gros pains frais. Se rapprochant doucement, il tend son coup au dessus de la table, petits coups de doigt a la gorge... c'est parti. "Momento, experimento ! " Deux, puis quatre bouteilles de vodka. Un bakal pour tout le monde, petite inspiration prealable et...
Professeur de russe a la retraite, se papa ours nous prend d'affection, et nous donne enfin des clefs d'entree dans une culture qui change et se distingue tant des kilometres passes. Le Pamir... Il y a le Tadjikistan, le Kyrghystan, et le Pamir. A coup de dictionnaire, sa fille m'aide a traduire les maigres questions que je m'ose a poser. Le bloc sovietique a completement ferme la frontiere afghane. Logique. Terrain d'affrontement Est-Ouest. La fin de l'URSS, comme dans d'autres endroits, a entraine le retrait des investissements et abandonnes les infrastructures (eau, energie...). L'enseignement, la sante et quelques postes administratifs sont les seuls secteurs a emploi dans ces valles escarpees. Autrement, direction la Russie, puis retour au village, veaux et poulets arrondissent les fins de mois.
Nous faisons le tour de ces maisons "pamirski" ismaelites et comprenons le style d'interieur "a la Pamir". Entree sur la droite qui recoit les invites, salon sur la gauche et banquettes en carre, plafonds en lozange et les cinq piliers. Cinq piliers pour cinq prophetes, et le portrait d'Agah Kahn, 49eme imam de la communaute ismaelite. Originaire de la confederation suisse, il a finance les secteurs primordiaux dans le Pamir a la fute du bloc communiste, au Tadjikistan et Afghanistan entre autres. Reconstruit des ponts sur la frontiere, rehabilite des lieux de soins, d'education, des banques.
Reveilles encore ennivres, un dernier bakal a la main ferme plein d'amitie, nous quittons Sacha, les yeux brillants et l'air pimpant. "Momento, experimento"...

Nous y sommes. 4000 metres d'altitude. Les poumons s'etirent tant que se peut pour glaner un surplus d'oxygene. Pres de 4 jours de montee pour donner le temps au corps de s'adapter. Depuis le plateau, des tetes blanches pointues depassent de part et d'autres. Chefs de fil ou gardiennes des alentours, elles plantent leur pic dans l'horizon. 5000, 5700, et pourtant si proches de nous. Nous passons le premier col a 4200. La respiration et l'oxygene pompe rythment le corps. D'habitude c'est l'inverse, non ? 4000 metres d'altitude...
Le col de la jument blanche, dit "Ak-baital" (4655m) nous fait redescendre sur le lac Karakul. Trois jours de repos a 4000m. D'un jour a l'autre, nous trainons la tente et les velos a un autre coin du lac. Quelques yacks sur une pature jaunie par l'air sec d'altitude et les rayons d'un soleil qui n'est plus si haut. La nuit, la voie lactee, les etoiles filantes et des couches de soleil rappellent a Xavier les nuits polaires de Norvege. Le sel craque sous nos pieds comme une cuillere sur un crumble. Humm... le crumble... Le steak frite. Le poulet au four. La quenelle sauce tomate. La salade verte en vinaigrette facon memee. Le clafoutis. La choucroute. Le jus de fruits presse et la feuille de menthe. La glace a la vanille, la chantilly et les amandes effilees... Je ne pensais pas que cela arriverait. Mes papilles sont rebutees d'une nourriture maigre et rebutante de grande altitude. La diarhee, le souffle court et la nausee coupent l'appetit. Ca tombe plutot bien, car au programme, il n'y a rien. On erre sur le bord du lac, explore des vestiges communistes. Xavier revient de nul part a dos d'ane amadoue quelque part, la clope au bec et le regard au loin... "I am a lonesome donkeyboy"...

Pour tenter un repas un peu plus seduisant que les biscuits de l'ex-union sovietique durs comme du roc, les pates collantes et le riz au gout benzine, on visite quelques homestay et leurs restes de cuisine. Dans le salon, nos yeux tombent sur un calendrier "Pamir", et on feuillette les photos de tadjikes et de kirghizes de ce haut plateau. Bon sang, ces images de magazine reportage ou que l'on associait a des documentaires sur Arte, nous les avons vecues. Le Kirghize au chapeau noir et blanc qui nous salue, le petit matin partage avec une famille en yourt, la traite des yacks, les courses au bazard, les sourires des petites tadjikes emmitoufflees dans leurs couches de tissus multicolores... Nous l'avons vecu et cela me parait etre du reve. Notre cuisiniere kyrghyze m'en tire. "Green tea or black tee ? " Belle comme tout, le fichu sur la tete, la voix douce et l'allure posee. "Non" - me repond-elle. "Je suis de Murgab. Mais j'ai ete mariee ici. Je m'ennuie. Je reste a la maison toute la journee. Avant, j'etais infirmiere. Ici, il n'y a rien. Peu d'oxygene, peu de nourriture. Pas de tomate ou de mouton." J'ose ma question : Tu peux choisir ton mari ici ? "Non. Il est 15h, c'est ca ?" Oui c'est ca. Je me tue. Que cela doit etre etrange de devoir partager un jour soudain le lit d'un inconnu, lui apporter assistance et vivre dans le respect et la cohabitation d'une belle famille qui s'est arrangee avec son propre pere d'un mariage bien fait. Elle nous offre deux pains, elle m'embrasse. Merci, lui dis-je.
Et que l'hiver doit etre rude sur ce plateau. Loin du trafic, une nourriture rationnee, des puits geles, des coupures d'electricite, du vent et de la neige par - 40... Pain, the et lait de yack en fin de saison. Un maigre poele a la bouse de vache et aux racines d'arbustres pour chauffer une cuisine ou le carreau trop fin a fele il y a quelques mois surement. Un long manteau de fourrure pour recouvrir les bottes de cuir. Voila a quoi je pense alors que, assis a la table de cette cantine de village, la babouchka nous sert la soupe et un lagman bien chaud, une ficelle entre les deux oreilles ballotant dans son cou.

Le Pamir et ses secrets. La grandeur de son plateau. Un soleil permanent. Des etendues desertiques et caillouteuses que les yacks sillonnent, laissant derriere eux une trainee poussiereuse. Il faut decoller. Petite halte dans le no man's land chinois, pour rigoler ou pour se venger d'un visa chinois que nous n'avons pas. Nous rejoignons bientot la frontiere du Kirghizistan, a coups de pedales peu presses. Les coups de feu des militaires dans le no man's land nous rappelle une route que des kilos d'heroine sillonnent en direction de l'Europe, via Moscou... Et puis...

" Bienvenue ! " Tampon sur le passeport (07/10/13), "vous avez 2 mois ! " Quel soulagement. Enfin les vacances dans une Asie centrale ou les visas pressent les vagabonds de notre genre. Sari-tash. Le torrent devient une riviere, la plaine verte et grasse dessine la fin du plateau. Malgre l'automne, une odeur de printemps. La temperature remonte et l'athmosphere change de consistance. Xavier me parle devant sur son velo, mais maintenant, je peine a l'entendre. Le silence du Pamir est reste la-haut, et il nous faut nous reveiller d'un drole de reve...